L’affaire entre Christian Latouche et l’ex-H3C va devoir avancer d’abord sans la justice européenne

L’affaire entre Christian Latouche et l’ex-H3C va devoir avancer d’abord sans la justice européenne

A la une

Les activités commerciales vont-elles être davantage permises aux commissaires aux comptes voire aux experts-comptables ? Telle est l’une des questions majeures posées par le contentieux entre Christian Latouche et l’ex-H3C — via sa formation qui statue sur les cas individuels. Un contentieux qui vient de livrer un nouvel épisode qui ne fait pas avancer l’affaire sur le fond (lire nos articles ici et ici). Jeudi dernier, la Cour de justice de l’Union européenne n’a pas répondu à la question de savoir si le droit français qui interdit de façon quasi-absolue au commissaire aux comptes d’exercer des activités commerciales est conforme au droit de l’Union européenne.

Interdiction quasi-absolue d’activités commerciales par le Cac

Rappelons les faits. La formation de l’ex-H3C qui statue sur les cas individuels accuse le fondateur de Fiducial d’avoir violé la déontologie des commissaires aux comptes. Elle considère qu’il a exercé, directement ou indirectement, depuis le 3 janvier 2016, des activités commerciales incompatibles avec le commissariat aux comptes (cf article L 820-10 du code de commerce). Rappelons qu’avant la loi Pacte de 2019, les fonctions de Cac étaient incompatibles avec toute activité commerciale, qu’elle soit exercée directement ou par personne interposée. Depuis la loi Pacte, deux exceptions sont permises : dans le cadre d’activités accessoires à la profession d’expert-comptable et dans celui d’activités accessoires exercées par une société pluri-professionnelle d’exercice.

Prestations de sécurité, vente de fourniture de bureaux, activité bancaire…

Cette formation du H3C lui reproche d’avoir exercé, au travers de deux sociétés de Fiducial, les activités commerciales suivantes qui ne sont pas accessoires à la profession d’expert-comptable : prestations de sécurité, vente de fournitures et de mobilier de bureau, activité d’agent immobilier et de gestion de sociétés civiles de placement immobilier, activité bancaire et prestations dans le secteur des médias. A noter au passage que cette formation du H3C reconnaît que la fourniture de services informatiques est une activité accessoire à la profession d’expert-comptable.

Qui est dans l’illégalité ?

En 2023, le rapporteur général de cette formation du H3C demande ainsi que Christian Latouche soit radié de la liste des commissaires aux comptes et qu’il lui soit infligé une sanction pécuniaire de 250 000 euros. Le fondateur de Fiducial répond qu’il doit être mis hors de cause. Il se défend sur le terrain de l’illégalité du droit français au regard du droit de l’Union européenne. Il estime que l’interdiction d’exercer une activité commerciale est « disproportionnée dès lors que l’indépendance des commissaires aux comptes et la prévention des conflits d’intérêts seraient suffisamment assurées par les autres dispositions légales, réglementaires ou déontologiques, françaises et européennes, auxquelles lui-même se serait conformé en exerçant les activités commerciales en cause ».

Articulation entre la directive services et le cadre européen sur l’audit légal

Juridiquement, la question porte sur l’articulation de la directive sur les services (directive n° 2006/123/CE) avec le cadre européen sur le contrôle légal des comptes (directive 2006/43/CE sur le contrôle légal des comptes et règlement 537/204 sur le contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public (EIP). C’est pourquoi, en 2023, la formation restreinte de l’ex-H3C, qui juge cette affaire, a décidé de demander, avant de se prononcer sur le fond, l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur ce sujet, c’est à dire qu’elle lui dise si le cadre français qui s’impose au Cac en matière d’activités commerciales est légal. Jeudi dernier, la CJUE a donc déclaré cette demande irrecevable. La raison : exerçant une activité administrative et non pas juridictionnelle, cette formation de l’ex-H3C n’est pas habilitée à lui poser une question préjudicielle.

L’avis de l’avocat général va dans le sens de Christian Latouche

Que peut-il se passer désormais ? La décision va devoir être rendue par la commission des sanctions de la H2A, successeur de la formation restreinte de l’ex-H3C. Sa décision sera donc prise sans interprétation de la CJUE mais avec toutefois des éléments qui jouent en faveur de Christian Latouche. En effet, l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne considère que la réglementation française qui interdit, à deux exceptions près depuis la loi Pacte de 2019, au commissaire aux comptes d’exercer, directement ou par personne interposée, des activités commerciales est en principe illégale. Même si ses conclusions ne sont pas contraignantes, la commission des sanctions devrait en tenir compte dans son analyse. Sa décision pourrait ensuite faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat lequel pourrait à son tour poser à la CJUE une question préjudicielle. Bref, cette affaire est peut-être loin d’être terminée.

Visuel réduit: 
Visibilite: 
privé
Signature: 
Ludovic Arbelet
Supports de diffusion: 
La Cour de justice de l’Union européenne juge qu’elle ne peut pas répondre – pour l’instant – à la question de savoir si le droit français qui interdit au commissaire aux comptes de façon quasi absolue d’exercer des activités commerciales respecte le droit de l’Union européenne. La raison : la formation restreinte de l’ex-H3C n’est pas compétente pour lui demander son interprétation.
Cacher le visuel principal ?: 
Non
Type de produit: 
Produit d’origine: 
Auteur extérieur: 
Application immédiate: