12 Mar Option à l’IS d’une société de personnes à associé unique dès sa création : un formalisme assoupli
Le Conseil d’État assouplit le strict formalisme exigé lors de l’option pour l’IS des sociétés de personnes. Il juge que cette option est régulièrement exercée par une société à responsabilité limitée (SARL) dont l’associé unique est une personne physique dès lors qu’elle a déclaré relever de cet impôt dans ses statuts dès sa création et a déposé ses déclarations de résultats sous ce régime.
Cette solution s’inscrit dans la ligne de la jurisprudence de la Haute Juridiction selon laquelle l’option pour l’IS, soumise en principe au respect d’un strict formalisme, est réputée exercée, dès lors que l’intention des auteurs de l’option est sans ambiguïté, alors même que toutes les formalités exigées n’ont pas été respectées.
On sait que l’option pour l’IS d’une société de personnes est en principe soumise au strict formalisme prévu à l’article 239 du CGI et à l’article 350 F de l’annexe III au CGI. L’option doit ainsi être notifiée au service des impôts du lieu de son principal établissement avant la fin du troisième mois de l’exercice au titre duquel elle souhaite être soumise pour la première fois à l’IS. La jurisprudence admet également que cette option soit exercée en cochant la case prévue à cet effet sur le formulaire remis au centre de formalisme des entreprises (CFE) à l’occasion de la déclaration de création ou de modification de la société (Conseil d’Etat n° 342566).
A noter : Conformément aux dispositions de l’article 350 F de l’annexe III au CGI (figurant auparavant à l’article 22 de l’annexe IV au CGI), la notification doit être signée dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, par tous les associés, membres ou participants. La signature de la notification par l’ensemble des associés est prévue comme une exigence par défaut depuis 1993. |
Les faits de l’espèce sont les suivants. Une SARL dont l’associé unique est une personne physique a, lors de sa création, mentionné dans les statuts son assujettissement à l’IS. Elle a ensuite déposé, spontanément et de manière constante, ses déclarations d’IS. À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a procédé à des rehaussements de bénéfices passibles de l’IS. Pour faire échec à ces derniers, la société a soutenu qu’elle n’avait pas opté pour son assujettissement à cet impôt dès lors qu’elle n’avait pas exercé régulièrement cette option selon le strict formalisme précédemment rappelé.
La cour administrative d’appel de Paris a donné tort à la société en jugeant que la mention dans ses statuts constitutifs de son assujettissement à l’IS et le dépôt constant des déclarations de résultats adéquates manifestaient sans ambiguïté sa volonté d’opter pour cet impôt et valaient souscription régulière de cette option (CAA Paris 9-11-2022 n° 21PA05958).
Par la présente décision, le Conseil d’État confirme l’arrêt de la cour (Conseil d’Etat n° 470324). Il juge qu’une SARL dont l’associé unique est une personne physique qui déclare dans ses statuts constitutifs relever du régime de l’IS et qui, dès son premier exercice social, dépose ses déclarations de résultats sous le régime de cet impôt est réputée avoir régulièrement opté pour l’IS.
Le Conseil d’État étend en l’espèce l’exception au respect du strict formalisme imposé pour l’option à l’IS qu’il a déjà admise lorsque des éléments établissent qu’une SARL soumise à l’IS a manifesté, après la réunion de ses parts dans les mains d’un même associé personne physique, sa volonté de rester soumise à cet impôt. Cette exception est subordonnée au respect de deux conditions cumulatives : la société doit avoir opté dans ses statuts pour son assujettissement à l’IS, dans le délai prévu à l’article 239, I du CGI, et doit déclarer ses résultats, au titre du premier exercice clos après la réunion des parts dans une même main, sous le régime de l’IS (Conseil d’Etat n° 426850 et n° 426857). La Haute Juridiction fait ainsi application de cette solution au cas présent, c’est-à-dire dès la création d’une SARL dont l’associé unique est une personne physique.
Dans ses conclusions, la rapporteure publique, Émilie Bokdam-Tognetti, souligne que, si la rédaction de la décision du 20 mars 2020 précitée invite à distinguer l’option pour l’IS d’une EURL dès sa création et l’option pour l’IS d’une SARL devenue en cours d’existence une EURL par réunion de toutes ses parts en une seule main, il n’apparaît pas de motif juridique vraiment convaincant pour opérer une telle distinction. Elle ajoute que, si cette précédente solution est fondée sur l’analyse d’une moindre utilité du formalisme en l’absence de pluralité d’associés dont il conviendrait de recueillir l’accord, ce constat vaut tout autant pour les sociétés n’ayant eu, depuis leur création, qu’un unique associé. Elle n’identifie ainsi pas de raison de ne pas étendre l’assouplissement issu de ce précédent aux EURL qui, dès leur création, optent pour l’IS dans leurs statuts et qui déposent ensuite des déclarations à cet impôt.
Le Conseil d’État juge en outre que le seul fait pour la gérante qui, au demeurant, n’était pas l’associé unique d’avoir, dans le formulaire de création d’entreprise adressé au CFE, coché la case mentionnant l’assujettissement aux BIC n’est pas susceptible de remettre en cause l’option en faveur de l’assujettissement à l’IS. A noter que depuis le 1er janvier 2023, le guichet unique électronique des formalités d’entreprises (site formalites.entreprises.gouv.fr) se substitue aux CFE qui sont supprimés.
Il est intéressant de relever que la rapporteure publique a indiqué dans ses conclusions que les modifications apportées aux conditions de signature de l’option, prévues à l’article 22 de l’annexe IV au CGI (reprises désormais à l’article 350 F, I de l’annexe III à ce Code) combinées aux élargissements successifs de la jurisprudence, devront peut-être conduire le Conseil d’État à « se réinterroger plus largement sur la portée et l’objet du formalisme prévu par cet article. Qui ce formalisme protège-t-il encore ou qui doit-il protéger : la société contribuable, les associés, l’administration fiscale, voire tous ces acteurs réunis ? ».
Mais, comme le souligne Émilie Bokdam-Tognetti, le cas de la présente affaire ne permettait pas de se livrer à cette réflexion d’ensemble, dès lors que la solution était déjà engagée par les évolutions récentes de la jurisprudence du Conseil d’État.